
Table des matière
- 1 Jeudi 17 avril, 23h15
- 2 Vendredi, 11h30, Saint-Malo
- 3 Samedi 19 avril – Le grand saut
- 4 Dimanche 20 avril – Grosse mer, grande première
- 5 Lundi 21 avril – Pétole surprise
- 6 Mardi 22 avril – Spi et suspense
- 7 Mercredi 23 avril – Humidité et sensations fortes
- 8 Jeudi 24 avril – D’un seuil à l’autre (et une entrecôte qui s’envole persque)
- 9 Vendredi 25 avril – Retour à St-Malo, fierté et petite frayeur
- 10 Samedi 26 avril – Le grand retour
- 11 Merci !
Jeudi 17 avril, 23h15
Vue sur les Alpes. Il fait nuit. Il fait gris. Il fait brumeux. Bref, ambiance bretonne… avant même d’avoir quitté la Suisse. Pendant que la plupart des gens se préparent à s’empiffrer de lapins en chocolat, nous, on embarque pour l’aventure. Une vraie. Une longue. Très longue même : direction Saint-Malo en car.
Spoiler : le trajet est interminable. Heureusement, je ronfle. Et apparemment, ça amuse tout le bus. Cerise sur le gâteau, je tombe sur une vieille connaissance que je n’avais pas vue depuis trente ans. Le monde est petit, comme un cockpit de voilier.
Vendredi, 11h30, Saint-Malo
À peine le car arrêté, tout le monde saute sur ses pieds comme un seul homme. Les skippers foncent vers le bureau de location, les seconds les suivent, les matelots s’activent. Moi ? Je regarde. Je tente de comprendre. Je fais semblant. Mais bon, j’ai été utile : j’ai commandé un Uber. Chacun son talent.
On file faire les courses : deux caddies, un panier, des réserves à faire couler un porte-avions. Principalement de la bière. Deux ou trois trucs pour manger, aussi, histoire de survivre. On entasse tout ça dans un taxi “spécial”… qui ne l’était pas vraiment. Puis, direction le port.
Petit défi breton : la marée est basse, les pontons sont loin, et la passerelle ressemble à une piste noire de station savoyarde. Il faut deux personnes pour faire descendre les provisions sans tout éparpiller façon puzzle. Ensuite, partie de Tetris géante dans le carré. Le skipper orchestre l’organisation avec doigt pointé, consignes millimétrées et autorité bienveillante. Du grand art.
Le soir, première sortie à pied dans Saint-Malo. Petit tour dans la vieille ville, restaurant, discussions. Mais toujours aucun mot sur notre cap du lendemain. Alain, notre skipper, garde le silence. Le mec sait garder un secret comme une bouée d’amarrage.
Samedi 19 avril – Le grand saut
C’est le jour J. Pas de stress. Briefing à bord, briefing sécurité, briefing navigation. Bref, que de briefings. Alain est précis, carré, presque militaire. Et franchement, ça rassure.
Le bateau est prêt, tout le monde à son poste. On largue les amarres un à un, et en douceur, on quitte le port de Saint-Malo. Ce port, que je connaissais à peine, mais que je commençais déjà à trouver rassurant.
Une fois dehors, Alain me regarde et dit — Prends la barre.
Pardon ? Moi ? Celui qui attend un retrait de permis, qui a deux accidents à son actif, et qui ne sait pas différencier une voile d’un rideau ? Clairement, ces gens ne savent pas à qui ils ont affaire. Je suis capable du meilleur comme du pire… mais c’est dans le pire que je suis le meilleur.
Heureusement, Patrick, le second, reste à mes côtés. Il m’explique calmement la direction, les cardinaux (non, pas les oiseaux), la barre, les voiles… Bref, le mec est un saint. On avance à 5-6 nœuds, il fait beau, je kiffe. Et quand je rends la barre, je suis presque triste.
On affale les voiles pour entrer dans le port de Saint-Quay-Portrieux. Un autre bateau du club suisse est déjà là. Esprit de compétition immédiat. On hésite à leur griller la priorité. Finalement, on joue la carte du bon marin : on les laisse passer. La classe, quoi.
Une fois amarrés (avec deux pointes et deux gardes comme l’exige le grand chef), le bateau ne bouge plus d’un poil. Sécurisé. Propre. Nickel. Je vais me souvenir de cette méthode.
Ambiance sympa dans le port, jusqu’à ce qu’un bip mystérieux vienne perturber notre paix. Impossible de localiser la source. Jusqu’à ce que le gardien du port, hilare, nous annonce que… le bruit venait de notre propre bateau. La honte, puissance dix.
Mais bon, après ça, douche chaude et toilettes à taille humaine. Le luxe absolu.
Dimanche 20 avril – Grosse mer, grande première
Départ matinal. Salimé aux manœuvres, sous l’œil d’Alain. Les voiles sont hissées rapidement. Grand-voile, puis génois. On coupe le moteur. Silence, vent, mer.
Mais pas calme. Oh non. La mer est agitée. Des creux de trois mètres. Le bateau gîte à 45°. Je vous jure, j’étais sûr qu’on allait se retourner. Les autres adorent. Moi, je serre les fesses.
Et devinez quoi ? On me redemande de prendre la barre. Moi, le gars qui arrive à peine à s’asseoir sans glisser. Quelle bande de fous. Mais une fois la panique passée, c’est incroyable. Une petite coque de noix face à une grosse mer. Six personnes. Zéro moteur. Juste le vent et nous. L’aventure. La vraie.
Par contre, le plat à gratin n’a pas survécu. Avec une gîte à 45 degrés, la porte du four a cédé, et le pyrex a traversé le bateau avant de finir sa course en mille morceaux. Ambiance crash-test en cuisine.
En fin de journée, on mouille dans un petit port breton caché entre les rochers, surplombé par un vieux château. Un bijou. Le chenal est plus étroit qu’une allée de jardin. Des rochers de partout. Des balises rouges et vertes comme un sapin de Noël. Une vraie souricière.
On s’accroche à une bouée. Alain supervise. Rien ne bouge. Tout est parfait. Et pour fêter cette journée dingue, apéro improvisé dans le cockpit. On trinque. On rit. On se remercie. Parce qu’au fond, on sait : c’était une journée dont on se souviendra longtemps.
Lundi 21 avril – Pétole surprise
La météo annonçait du vent : 15 à 20 nœuds. Autant dire, un rêve pour navigateur. On a planifié notre route comme des pros : points de passage, variations du vent dans la journée, courants à surveiller… Alain, notre capitaine expérimenté, nous a bien rappelé que le courant, c’est comme les impôts : faut pas l’oublier.
Le plan était parfait. Infaillible. Les Anglais n’avaient qu’à bien se tenir !
Sauf que… à peine partis, on se met face au vent, on hisse la grand-voile, on borde le génois, et là : pétole. Nada. Du vent à 4-6 nœuds. Autrement dit, rien. Une insulte à la voile. La météo s’était plantée. Le vent avait pris un jour férié.
Du coup, on a navigué au moteur. Longtemps. Très longtemps. Et crois-moi, naviguer au moteur sur un voilier, c’est comme manger une fondue avec une paille : frustrant. C’est bruyant, ça sent le gasoil, et ça casse l’ambiance. Surtout qu’on avait prévu un bon 55 milles pour rejoindre Guernesey.
Heureusement, en fin de journée, le vent s’est rappelé à nous. On a enfin pu hisser les voiles et naviguer à l’ancienne. On est entrés dans le port avec dignité, en mode marins respectables.
Guernesey, c’est grand, avec plusieurs bassins. Mais pas de panique, le gardien nous a guidés comme un chef jusqu’aux pontons pour touristes. La ville est charmante, l’île aussi, même si franchement, ça sent la Bretagne avec un passeport britannique. Faudra un jour qu’on m’explique cette histoire.
Et puis, au détour d’une conversation en fin de journée, on apprend — un peu par hasard — que le pape est décédé. Rien que ça. Une info de cette ampleur, et nous, on était là à débattre du sens du courant de marée. Comme quoi, tout est question de priorité.
Le soir, pub-restaurant. Malheureusement, déception : la moitié des plats étaient en rupture. Pas de fish and chips. Pas de steak. L’Empire britannique est en déclin, les amis. On est ressortis légèrement frustrés, le ventre pas tout à fait plein, mais l’esprit, lui, toujours en mode aventure.
Mardi 22 avril – Spi et suspense
On reste chez les British : direction Alderney (St-Anne), en partant de Guernesey. À peine 28 milles nautiques au programme, mais quels milles !
Sortie du port express avec Anne à la manœuvre, toujours sous l’œil d’aigle d’Alain. Face au vent, on hisse la grand-voile, on borde le génois… et devinez quoi ? Pétole. Encore. Six nœuds de vent à tout casser. Pas de quoi effrayer un canard sur un étang. On quitte le chenal tranquillement, résignés mais patients.
Une fois en mer, Alain dégaine son arme secrète : le spi. Une grande voile légère, parfaite pour les petits souffles. Et là, miracle ! On avance. Cinq nœuds bien réglés, quatre quand le spi fait sa diva. À mi-parcours, on affine notre réglage : plus stable, plus efficace, et hop, on monte à six nœuds. Presque un record pour la journée ! Et pourtant, en embuscade : un avis de grand frais pour la nuit, suspendu au-dessus de nous comme une épée de Damoclès.
Mais voilà, au final, panne de vent pile dans le passage du “Singe” — un endroit déconseillé, même par beau temps. On déclenche le moteur rapidos pour éviter d’aller embrasser les cailloux, et on affale les voiles. Ouf.
Nouvelle épreuve : le jeu préféré du skipper, « Trouve Charlie ». Ou plutôt : trouve les deux triangles rouges alignés qui te donnent l’alignement d’entrée du port. Sauf que là, c’est à contre-jour et on dirait qu’on cherche des flèches dans une haie. Après quelques tâtonnements, on entre dans le port comme des rois.
Alderney, probablement notre escale la plus au nord. Une vue imprenable… sur l’usine de retraitement de La Hague. L’île est petite, avec ses maisons tranquilles et son pub mythique. Mais ce qui frappe le plus, ce sont les fortifications allemandes. Partout. L’impression d’être sur une île-bunker.
Heureusement, on chasse les fantômes de l’histoire avec un apéro bien mérité. Bouée accrochée sans accroc, tout le monde se félicite. L’ambiance est détendue, on savoure notre arrivée. Et juste à temps, nos camarades du CCS débarquent. Évidemment, on observe : comment vont-ils manœuvrer ? Vont-ils rater leur bouée ? Suspense… On se moque un peu (gentiment), mais on reste bons joueurs.
On organise l’annexe pour aller à terre, pendant que le skipper passe en mode chef cuistot. Au menu ce soir : filet mignon de porc à la ratatouille. Rien qu’à l’odeur, on salive déjà. Et malgré l’accident du plat à gratin, on improvise. C’est succulent. Le repas parfait pour clore une journée bien remplie.
Franchement, le filet mignon d’Alain le skipper était une tuerie. Qui aurait cru qu’on pouvait sortir un plat pareil d’une cambuse de voilier de 10 mètres ? Toute l’équipe était là, assise dans le carré, comblée. On savourait la journée et on remerciait le cuistot. Les discussions partaient un peu dans tous les sens, parfois sur des sujets tristes, mais surtout sur des histoires incroyables et pleines de vie. Chacun donnait de soi, le cœur sur la main. Petit à petit, on devenait une vraie famille de marins. Bon, ok, j’avais toujours un peu le rôle de l’enfant à problèmes… mais franchement, c’était parfait comme ça.
Mercredi 23 avril – Humidité et sensations fortes
La nuit au mouillage a été agitée : un front froid pas loin, vent et pluie toute la nuit. Au moins, le bateau a eu droit à un bon rinçage ! Par contre, il faisait bien frais au matin, tout était trempé, et la plupart de l’équipage a sorti le ciré intégral pour affronter les éléments. Évidemment, moi, naïf comme pas deux, j’avais opté pour un simple bas de jogging et des baskets… Autant dire, pas franchement le look marin du jour.
Mais bon, on n’allait tout de même pas naviguer par ce temps, non? si ? Si, évidemment. À peine dehors, le skipper commence à distribuer les rôles : Anne à la cravate avant, Marc à la drisse du génois, Damien pour aider à dérouler, Salimé à la barre… Moi ? J’étais aussi utile qu’une vache perdue sur une nationale ! Cinq minutes plus tard, on largue les amarres, juste sous génois pour sortir du port, puis on hisse la grand-voile. Et c’est parti : 16 nœuds de vent, 8 nœuds sur le fond, des creux, des vagues, le bateau gîte à 45 degrés et tout le monde se régale.
Moi ? Fidèle à moi-même, je me demandais toujours à quel moment le bateau allait finir sur le flanc. Mais mes collègues étaient aux anges : ça filait, ça giclait, ils n’auraient échangé leur place pour rien au monde. J’ai fini par aller me coucher, en me disant qu’allongé, ça tanguait sûrement moins… Et j’ai dormi comme un bébé. Jusqu’à ce qu’on me rappelle à la barre, histoire de contourner Jersey et d’entrer dans le port de St-Hélier.
Là, c’était un vrai capharnaüm pour repérer les amers et trouver la trajectoire entre les rochers. Heureusement, Damien avait bien préparé sa nav, et avec quelques instructions du skipper, j’ai eu exactement ce qu’il fallait pour nous guider à bon port, en toute sécurité.
Le port de St-Helier à Jersey, c’est tout un monde : une odeur d’argent pas trop fiscalisé flotte dans l’air, entre trusts et immeubles clinquants. L’architecture est moderne, presque trop léchée… Bref, ici, ça sent franchement le fric
Jeudi 24 avril – D’un seuil à l’autre (et une entrecôte qui s’envole persque)
Réveil brutal à St-Helier, Jersey. Ce matin, il fallait absolument quitter le port avant 7h, à cause du seuil mobile : une sorte de porte qui garde assez d’eau dans le port à marée basse, mais qui, pour nous, veut dire lever d’ancre aux aurores. C’est donc reparti pour un réveil façon Dianne (fidèle à elle-même) ! Préparation expresse du bateau, on zappe encore le petit-déj’ (oui, je sais, ce n’est pas malin, mais sur le moment c’est surtout frustrant).
La veille, j’avais tout préparé comme un pro : tracé la route, calculé chaque segment, intégré les courants, les marées, les prévisions de vent… J’ai même sacrifié quelques heures de sommeil à tout noter sur deux pages entières. Résultat ? À peine sortis du port, on hisse la grand-voile et le génois, et on se rend compte que la route prévue est impraticable avec le vent du jour. Retour à la case départ ! Comme quoi, la mer se moque bien des beaux plans sur le papier.
C’est la mer qui décide, et elle nous l’a rappelé en arrivant aux Minquiers. Pour te donner une idée, les Minquiers, c’est un énorme champ de rochers et de bancs de sable qui bougent avec le temps, le tout avec une minuscule île et ses adorables maisonnettes. Bref, le genre d’endroit où il ne faut surtout pas aller… surtout à marée basse. Tu me vois venir : notre skipper, intrépide, a décidé qu’on irait y mouiller pour le repas de midi, en plein centre du champ de cailloux.
On a donc louvoyé entre les rochers et les bancs de sable, le stress au maximum. Je t’avoue que j’étais à deux doigts de la position latérale de sécurité, le cœur prêt à lâcher à chaque nouveau caillou frôlé. Mais on y est arrivés ! Et histoire de montrer qu’on n’était pas des touristes, Anne s’est même baignée… Respect éternel. Une fois remis de mes émotions, j’ai pu apprécier le décor : c’est vraiment un endroit unique, même si tout est recouvert de fiente de goéland. On dîne, certains débarquent sur l’île pour des photos, tout le monde admire ce paysage lunaire. Exotisme garanti, version “cailloux et guano”.
Repus, on repart en zigzag, direction Chausey. Les îles de Chausey, cette fois côté français, c’est encore un dédale de rochers, de passages étroits, avec des bouées aux noms improbables – la “Crabière”, sérieusement, il fallait l’inventer. Notre objectif : la Grande Île. Bon, “grande”, il faut le dire vite, on n’est pas à Manhattan ! Mais pour notre dernière soirée en mer, on décide d’aller au seul restaurant de l’île. Et il faut dire qu’on en rêvait, vu qu’on avait déjà manger les champignons du riz aux champignons… et du riz seul …
Avec Damien, on débarque en premier, sur une petite plage de sable à l’écart. Alain, fidèle à lui-même, n’a rien raté de mes acrobaties en montant et descendant de l’annexe… On traverse le village, croisant des locaux qui ont la rudesse de la mer dans le regard, et on grimpe jusqu’à la petite église qui veille sur l’île, le phare et le fort plantés de chaque côté. C’est beau, c’est simple, c’est vrai.
Au restaurant, tout le monde opte pour des produits de la mer (logique !). Moi, fidèle à mon instinct de terrien, je repère une entrecôte Black Angus qui me fait saliver. La patronne me regarde et lance, sans détour : « Il faut que je vérifie, il me semble qu’il n’en reste plus ! » Grosse frayeur… Mais ouf, c’était une fausse alerte. Montagnes russes émotionnelles jusqu’à la commande !
On a passé une soirée à partager histoires et souvenirs. On était vraiment devenus une équipe : six marins capables de bosser ensemble sur un bateau et de rire ensemble autour d’un bon repas. Mais il a bien fallu rentrer : le resto fermait à 22h, et surtout, il fallait se lever à l’aube pour attraper le seuil de St-Malo avant 11h. Sinon, pas moyen de rentrer au port, et ça, ce serait embêtant pour rendre le bateau ! Du coup, tout le monde au lit tôt… et, tu l’auras deviné, encore une fois, sans petit-déjeuner.
Vendredi 25 avril – Retour à St-Malo, fierté et petite frayeur
C’est déjà le retour ! Mais pas question de traîner : marée oblige, le seuil du port de St-Malo nous impose un horaire précis. Fidèles à notre rythme de croisière, on se lève encore une fois aux aurores. Miracle, un équipier a préparé du café et du thé – preuve que les anges gardiens existent vraiment. On enchaîne la préparation du bateau, tout le monde s’affaire, mais malgré ça, on prend un peu de retard… ce qui nous vaut quelques regards noirs du skipper. Fini de plaisanter : il faut filer droit si on veut arriver à temps à St-Malo. Départ au plus court, estimation : quatre heures de navigation, 11h dernier carat pour passer le seuil.
On choisit le « Chenal de la Bigne », la route la plus directe mais aussi la plus exigeante. Ça passe près de la côte, c’est magnifique mais ça demande une concentration maximale pour suivre la signalisation et éviter les hauts-fonds. Salimé assure à la barre, avec une maîtrise parfaite. Tout roule, on sera dans les temps.
À l’approche de la baie de St-Malo, il faut affaler les voiles. Pas évident : peu de place, beaucoup d’autres bateaux. On me confie la barre – histoire que ceux qui savent s’occupent du reste. Et honnêtement, ça me plaît : j’ai vraiment pris goût à barrer cette semaine ! Je manœuvre jusqu’à l’entrée du port où Alain, le skipper, reprend la main pour le plein de carburant et l’accostage final. Là, on voit le pro en action : alors qu’on hésite sur la fameuse place 78E et qu’on donne des infos contradictoires, le skipper aligne le bateau d’un coup de safran, un peu de gaz, corrige, et finit par accoster en douceur… sous le regard admiratif (et un peu jaloux) des autres équipages. La classe, tout simplement.
Amarrés à quai, c’est l’heure du grand nettoyage. On vide le bateau, on astique tout, Damien (qui avait eu la sagesse de garder ses bottes) nettoie le pont à grandes eaux. Une fois prêts, Patrick appelle Naviloc pour rendre le bateau. Je m’attendais à un contrôle minutieux, mais à peine le temps de passer aux toilettes du ponton, le loueur était déjà passé. Patrick, c’est l’efficacité discrète incarnée.
Il est trop tôt pour l’hôtel, les chambres ne sont pas prêtes, alors on file au bistrot. Pontons très bas, marée basse, on lutte avec nos sacs dans la passerelle ultra raide – l’aide d’Anne a été plus que bienvenue ! On s’installe enfin, on commande à boire, et on met à jour nos journaux de bord pour faire valider nos miles par Alain. Au final : 268 miles parcourus en 7 jours ! Franchement, je n’en reviens pas. Une vraie fierté : oui, j’ai survécu grâce à mes équipiers, mais je l’ai fait. Je ne suis pas encore un marin, mais j’ai fait un bon bout de chemin !
Après, c’est la routine : hôtel, attente des chambres, certains font la sieste, d’autres partent en ville chercher des souvenirs. Puis vient le dernier dîner, tous ensemble au restaurant “1934”, entourés de tous les équipages. On refait la croisière, on se raconte les exploits, les anecdotes, tout le monde chambre tout le monde dans la bonne humeur.
Mais une dernière rumeur vient semer la panique : il paraît que les voitures garées à “La Vue des Alpes” ont été envoyées à la fourrière à cause d’un festival de musique… et la mienne en fait partie. Arrivée prévue à 20h le lendemain, je me voyais déjà courir après ma voiture, chargé comme un mulet. Je m’éclipse discrètement pour appeler la gendarmerie neuchâteloise. Après un bon moment de négociation, l’agent finit par vérifier ma plaque : il y avait bien une note et le numéro de l’organisation du festival. Un appel, une personne charmante me rassure : la voiture a juste été déplacée de 50 mètres, à l’abri. Ouf ! Je peux enfin profiter sereinement de la fin de soirée.
Samedi 26 avril – Le grand retour
Réveil (encore) à l’aube. À force, ça devient une habitude… Mais cette fois, on profite pleinement du buffet du petit-déjeuner : il y a foule, l’hôtel est complet. Café, jus d’orange, croissants, pain, jambon, fromage, tout ce qu’il faut pour affronter la dernière épreuve : le retour en car. Départ à 8h, arrivée estimée à 20h. Tu parles d’un marathon !
Le car est confortable, mais il n’y a pas de miracle : douze heures, c’est long, très long… Heureusement, le CCS (l’organisateur de la croisière) a tout prévu : une pause déjeuner dans un hôtel-restaurant près de Chartres, et, luxe suprême, de vraies toilettes. Ensuite, rebelote : on remonte dans le car, et c’est reparti pour des heures de route, longues comme un jour sans pain.
On fait les arrêts prévus, d’abord au Locle, puis à la Chaux-de-Fonds, où quelques participants descendent. Et moi, à l’approche de « La Vue des Alpes », je commence à stresser : ma voiture va-t-elle vraiment être là ? Le suspense est insoutenable… Mais non, tout va bien : en arrivant au col, j’aperçois ma voiture, pile à l’endroit indiqué par l’organisation. Soulagement !
Je remercie une dernière fois mes compagnons de route, je salue le car, je charge mes affaires, et direction la maison… où trois chats impatients m’attendent.
C’est la fin d’une aventure incroyable commencée huit jours plus tôt. Et si j’ai bien retenu une chose, c’est que l’aventure, ce n’est vraiment pas fait pour les couillons !
Merci !
Un immense merci à tous pour ces jours fous et complètement dépaysants. Anne, Salimé, Alain, Patrick, Damien… merci pour tout, pour votre aide, vos rires, et pour avoir partagé cette expérience unique !